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// Lettre ouverte

Restaurer la santé publique, une priorité majeure

Restaurer la santé publique

18 Septembre 2020

La santé publique est à l’avant‐scène depuis quelques mois et elle semble dicter le fonctionnement de notre société. Elle fait jeu égal avec l’économie et paraît même avoir en ce moment une légère préséance. Quasiment à l’unanimité, toutes les constituantes de notre société en appellent à un rôle accru de l’État. Le succès actuel de la santé publique tient à la confiance que nous lui accordons pour assurer notre protection face à l’ennemi invisible.

Si sa fonction de protection contre le risque infectieux mobilise toute la société aujourd’hui, il ne faut surtout pas oublier qu’une autre crise plus insidieuse et dévastatrice est en évolution depuis plusieurs années. En effet, le fardeau des maladies chroniques et des inégalités sociales de santé dans une population vieillissante menace non seulement la durabilité du système de santé et des services sociaux, mais aussi le développement socio-économique viable de la société.

La santé publique, c’est aussi la surveillance des facteurs qui influencent l’évolution de la santé et du bien‐être des individus, la prévention qui informe la population et offre des services pour réduire les risques pour la santé, la promotion de la santé qui soutient les acteurs communautaires et socio-économiques pour que les collectivités fassent les meilleurs choix pour la sécurité et la santé. La santé publique doit pouvoir jouer un rôle plus important comme vecteur fondamental de justice sociale, de prospérité et de bien‐ être.

Jadis réputée, la santé publique au Québec se porte mal. Elle a subi les contrecoups d’une perte de ressources majeure et d’une réorganisation des services de santé et sociaux qui l’a noyée dans les CISSS et les CIUSSS. Il faut des drames pour s’apercevoir que la protection de la jeunesse, la santé mentale, les services à domicile et la prise en charge des aînés sont négligés.

Des crises comme la pandémie que nous traversons doivent émerger des apprentissages nouveaux. Sur la base de l’expérience vécue, on pourra améliorer le fonctionnement des services de santé et des services sociaux pour faire face à une possible deuxième vague et à des situations semblables dans le futur. Parmi les leçons à tirer, la restauration de la santé publique constitue une priorité majeure non seulement face à d’éventuelles autres épidémies, mais surtout pour diminuer le fardeau de la maladie et des inégalités sociales sur la société. Les prochaines semaines doivent permettre de faire le point sur l’état des lieux et de convenir des changements à implanter pour prendre en compte la santé dans toutes les politiques gouvernementales.

Des changements à implanter

Parmi les principaux éléments à considérer, il faut inclure en priorité : 1) la définition plus large de la santé publique sur une base multidisciplinaire et intersectorielle et s’appuyant sur un leadership renouvelé ; 2) la gouvernance du système de santé publique sur les plans national, régional et local ; 3) les interfaces de la santé publique et du système de soins comme enjeu crucial de la prévention ; 4) la capacité de gérer les données pertinentes à la santé de la population en temps réel et de façon intégrée pour une santé publique agile et modernisée ; 5) les ressources humaines et financières suffisantes pour soutenir l’amélioration continue et l’innovation ; 6) la perspective et les priorités des citoyens.

Le groupe initial de chercheurs et d’acteurs qui cosignent cette lettre s’engage dans une action mobilisatrice pour mieux analyser et documenter les défis que la santé publique doit relever pour se renouveler. Une première analyse plus détaillée de ces enjeux paraîtra dans la Revue canadienne de santé publique et leur approfondissement sera l’occasion d’élargir la base de ce groupe et de mener les bilans et actions qui s’imposent. Il faut la volonté des pouvoirs publics d’agir maintenant. Il serait impardonnable de manquer cette occasion pour notre avenir individuel et collectif.

Signataires : Pierre Fournier et Jean Rochon
Respectivement doyen de l’École de santé publique de l’Université de Montréal ; professeur émérite à Université Laval *

* Lettre appuyée par : Thomas Bastien, Association pour la santé publique du Québec ; Jean Louis Denis, CRC Design et adaptation des systèmes de santé École de santé publique, Université de Montréal ; Lise Gauvin, École de santé publique, Université de Montréal Ak’ingabe Guyon, École de santé publique, Université de Montréal ; Amélie Quesnel‐Vallée, CRC Politiques et inégalités de santé, Université McGill ; David Martin‐Millot, Faculté de médecine, Université de Sherbrooke ; Réal Morin, CHU de Québec, Université Laval ; Louise Potvin, CRC Approches communautaires et inégalités de santé, École de santé publique, Université de Montréal.